samedi 6 septembre 2014

Panissières 2014, Data acquisition

Florian Durieux, MC Nevers, sur Honda 600 CBR
Je te présente Florian Durieux, pilote en Championnat de France de la Montagne Moto, catégorie 600 cm3. Bien que sérieux, l'homme n'en fait pas moins aussi le singe dans le side-car F2 n°518 inscrit dans le même championnat (piloté par Philippe Martinant du MC Yzeure)

Martinant/Durieux sur F2 motorisé par un 600 Honda
Suite à ma visite sur la côte de Panissières, et les premiers épisodes de mon compte rendu dans ces colonnes, Florian a pris contact pour me dire qu'il aime bien Le Galipomètre (merci ! ;-) ) mais aussi et surtout car il souhaitait pouvoir m'aider à compléter les informations relatives à la course.
J'ai bien entendu accepté, étant friand à la fois d'infos, je ne maitrise évidemment pas tous les aspects de la discipline, mais aussi d'échanges autour de notre passion commune.
Il est vrai que d'un point de vue extérieur et/ou néophyte, le fait de monter une côte à moto en se battant contre la montre semble simple et distrayant. 
Le public prend la mesure du courage et de l'engagement des pilotes, en observant qu'il en faut une bonne dose pour faire un chrono respectable. Il pense en général qu'un gros moteur est un avantage, mais ne se doute pas à quel point la finesse du pilote, son ressenti et sa préparation influent sur le résultat.
La science du pilotage, bien qu'extrêmement développée, reste confuse et peu commode à appréhender pour le public.
Mais le frisson est là. Le "Thrill" comme l'on dit dans la langue de Shakespeare.
C'est cela qui fait asseoir le public dans l'herbe, sur les talus surplombant la piste.

Pourquoi je te parle de ça ?
C'est très simple.
Florian Durieux est plus qu'un pilote de moto. Il est aussi fin metteur au point.
Pragmatique et modeste, il reconnait ne pas être le plus rapide de sa catégorie. Ce qu'il aime c'est "s'amuser" sur sa moto.
Il n'en reste pas moins un compétiteur qui souhaite comprendre et progresser, repousser ses limites et prendre une part active au déroulement du championnat.
Comment faire ?
Et bien tu vas voir, la suite est limpide...
Florian a installé un système d'acquisition de données "maison" sur sa 600 CBR, en s'inspirant de son expérience en Grand Prix Moto !
Il fallait y penser et,  bien que nous vivions au 21ème siècle, tous les pilotes ne sont pas équipés  de ce matériel, home made qui plus est.

C'est avec un étonnement doublé d'une certaine admiration que j'ai pris connaissance des informations communiquées. Il est certain que cela complète bien tout ce que tu dois savoir autour de la course de côte à haut niveau.
Voilà de quoi satisfaire notre curiosité et toucher du doigt une partie du travail d'analyse nécessaire pour taquiner le haut du tableau !

Florian illustre parfaitement l'état d'esprit qui anime les pilotes de sa discipline.
Je ne peux que lui laisser la parole, en reproduisant ses explications et illustrations sur le sujet.
Ses mots débordent d'une passion communicative !

Grand merci Florian pour cet échange des plus instructifs !



Salut Florent

Je ne suis pas parmi les plus rapide de ma catégorie, mais j'aime bien m'amuser à moto. J'ai ainsi équipé mon cbr d'une acquisition de données fait maison.

Je peux ainsi analyser mes actions sur la moto, les comparer à mes sensation et surtout me focaliser sur certain points lors des montées. C'est très efficace, j'ai gagné entre 5 et 7 secondes par montées par rapport à l'année dernière.

Voici par exemple pour Panissières une analyse succincte d'une montée en 53.3s:



Le champ de couleur sur le parcours correspond à la vitesse, plus on tend vers le marron, plus on se rapproche de 190 km/h, vers le bleu, c'est 0.

La courbe verte superposé à la route est l'ouverture des gaz. 100%, on est à fond, 0% on est une lopette!



En terme de statistiques, la course de Panissières c'est:



1042 tours de roue arrière

une vitesse de pointe de 185.3 km/h

une montée en 53.3s

10.2 seconde de pleine ouverture des gaz

38.6% d'ouverture moyenne des gaz sur toute la montée

et une vitesse moyenne de 121.58 km/h pour moi (134.4 pour le vainqueur en 600cc!!!)



Techniquement, je travaille plutôt avec les données sous Excel:




C'est plus explicite et largement suffisant pour l'interprétation. On a:

en vert: la position papillon

en rouge: le régime moteur

en bleu: la vitesse

en marron: le rapport engagé



J'en suis venu à ça parce que j'ai eu l'occasion de travailler en grand prix moto et me suis vite rendu compte qu'il y avait des dissonances entre les discours de pilotes et les données. En premier lieu, j'ai mis ça sur la mauvaise foi du pilote. Mais après coup, je me suis rendu compte que cela venait plutôt de l'interprétation erronée du comportement que d'une réelle mauvaise fois. en effet, avec l'expérience, on se rend compte que ce que l'on pense faire est fortement influencé par ce que l'on voudrait faire...

Puis d'un autre coté, ça m'a amusé de faire ce truc :)



Coté implantation sur la moto, il n'y a rien de sorcier:

un petit piquage sur le fil du TPS(throttle position sensor, le capteur de position papillon) pour connaitre l'ouverture des gaz, un autre piquage sur le capteur d'arbre à cames pour connaitre le régime du moteur et un capteur ajouté sur la roue arrière avec une roue phonique pour connaitre l'angle de rotation de la roue.

Images intégrées 2
 vue du disque de frein arrière modifié pour faire office de roue phonique. Le petit capteur noir à coté de l'étrier est un capteur inductif

à partir de tout ça, on peut calculer la vitesse de la roue arrière qui une fois intégrée permet de calculer la distance parcourue. Le tracé du parcours est piqué sous forme d'un fichier *.kml généré avec google maps et le tour est joué.



Toutes ces données sont collectées dans un petit boitier d'acquisition fait maison à une fréquence de 5Hz (pas de 0.2s)
Images intégrées 3


Pour la vue 3D, elle est générée à partir des données enregistrées, du tracé du parcours, d'une image téléchargée légalement via google maps et des données libre d'exploitation sur les mission topographique de la NASA disponible sur le site du SRTM (shuttle radar topography mission)


Sur la vue ci-dessus, j'ai superposé le tracé de la course avec les données topographiques SRTM.
Pour avoir la première vue (en haut, en vert) il suffit de plaquer sur cette surface une image issue de google maps.


Un petit exemple de ce que ca peut apporter:


Sur les données ci-dessus, je compare ma 2nd montée et ma 3e. La flèche sur le graphe de droite localise le point étudié sur le parcours de Panissières.

Les traits gras représentent les données de la 5e montée, ceux en fin représentent la 6e montée.



On peut voir que dans la zone concernée, je suis passé en 2nd lors de la 5e montée et en 3e lors de la 6e montée. (traits marron gras et fin). en conséquence de quoi je suis passé à environ 11500 tr/min lors de la 5e monté et seulement 9500/10000 lors de la 6e. Cependant, la moto étant moins violente en 3e qu'en 2nd, et la sensation de vitesse liée au régime étant moindre, je suis passé près de 10km/h plus vite dans ma 6e monté que dans ma 5e. C'était un essai lié à une première analyse des montées précédentes et il s'est avéré payant. En outre, si on compare les vitesses sur le suite immédiate du parcours, on constate qu'en 3e, j'accélère plus tôt (courbes vertes) et que du coup, la vitesse dans la partie droite qui suit est la même que je sois en 2nd ou en 3e.



A cela s'ajoutent d'autres détail à droite à gauche. Le bilan, c'est 1 seconde de gagné entre la 5e et la 6e montée!

Le talent au guidon reste donc impératif. Ouf ! ;-)
Il semble cependant que l'informatique soit un sérieux allié dans ce contexte... 
Et moi qui pensais que la course de côte était simpliste et brutale !
Il n'en est rien.

... Ctrl ...Shift ... GAZ !


4 commentaires:

  1. Hello Flo.
    Instructif, très instructif, très très instructif l'ami Florian. Cela rejoint une discussion que j'ai eu il y a quelques années avec Horst Buhrmeister, préparateur allemand de moteur en longtrack et speedway. Il m'avait indiqué alors, qu'il est très rare que les pilotes arrivent à expliquer, détailler le comportement réel du moteur dans les courbes. Le plus souvent, les sensations étant bien différentes de la réalité des chiffres.
    @+ Csokipuncs

    RépondreSupprimer
  2. N'est-ce pas ? c'est extraordinaire, et avec les mots de Florian cela devient clair ! :-)

    RépondreSupprimer
  3. moi j'ai une question, peut-on arriver à des analyses similaires, même si elles sont moins détaillées avec d'autres systèmes embarqués?

    genre payant comme starlane ou gratuit comme racechrono (sur portable)?

    (n'étant pas un ingénieur informaticien... mais j'aimerais tester ce type d'analyse sur le sidecar f2 de mon père, et puis j'aimerais me lancer en course de cote...)

    RépondreSupprimer
  4. Bonjour Louis ! Je ne peux répondre directement à ta question. Je t'invite cependant à contacter Florian directement via son site : https://sites.google.com/site/moiryracing58/
    Il sera de bon conseil, j'en suis sûr.
    Meilleurs voeux pour la côte, je t'y croiserai avec plaisir !
    A bientôt,

    RépondreSupprimer